Cette maison paysanne est la plus répandue en Franche-Comté. Elle se caractérise par trois travées perpendiculaires au mur gouttereau, lisibles en façade par la typologie des ouvertures : la porte et les fenêtres d’habitation, la porte de grange et la porte d’écurie. Le volume, de base rectangulaire, n'est ni évidé, ni agrémenté d'ajouts.
Au-delà de la protection, l’enduit a également une fonction esthétique, donnant à la façade un aspect soigné et coloré qui met en valeur les éléments en pierre de taille, et une fonction identitaire, sa coloration étant donnée autrefois par les sables issus des carrières les plus proches. Lorsqu'il n'y avait pas assez de sables, ou que ceux-ci n'avaient pas une texture suffisamment granuleuse, on pilait des tuiles, donnant ainsi à la façade une couleur très rouge.Ces couleurs, qui pouvaient donc varier d’un lieu à un autre, constituent l'une des caractéristiques d’une région naturelle, et personnalisent la maison.
Le point sur les enduits à la chaux
Illustration 31. Différents enduits du Jura : Grusse, Mièges, Beaufort, Chemilla, Beaufort.
Pour des économies de moyen, seule la façade sur rue, celle de représentation, pouvait être couverte d’un enduit. Cependant les autres façades disposeront d'un gobetis :
un enduit traditionnel est composé de trois couches : le gobetis, qui est une couche d'accrochage, la plus épaisse, puis le corps d'enduit, qui est un peu moins grossier, enfin la couche de finition. Le gobetis permet alors de protéger la pierre, sans rechercher l'esthétique.
Illustration 32. Ferme bloc : seule la façade sur rue possède une finition.
Les parties destinées à supporter des efforts sont réalisées en pierre de taille, qui est non gélive : encadrements d’ouvertures, voûtes et parfois pierres d’angle. Ces éléments sont des signes apparents de la richesse des propriétaires. Cette pierre est choisie, taillée et sciée en carrière. Chaque bloc est prévu pour être monté à un endroit précis, déterminé à l’avance par un dessin appelé « calepin d’appareil ». La pierre de taille est posée à joints vifs, sans mortier. On trouve sur une même pierre un double traitement : un bouchardage fin pour les parties destinées à rester apparentes (environ 20 cm), et grossier pour celles destinées à être couvertes par l’enduit (Illustration 33). Le bouchardage grossier permet à l'enduit de mieux adhérer au moellon. La quantité de pierre de taille sur une façade est un signe apparent de richesse.
Illustration 33. Technique de bouchardage et d'encadrement des baies en pierres de taille.
Illustration 33a. Façade enduite
Les enduits sont tirés à la règle, ils recouvrent toute la façade et présentent une finition de type gratté fin. Tracé droit autour des baies, l'enduit lui fait un encadrement.
Illustration 34.
Encadrement de porte en pierre de taille et enduit tiré droit
Les menuiseries sont traditionnellement peintes et constituent la palette d’accompagnement. Leurs couleurs créent l’animation de la rue et donnent sa personnalité à la façade. Les pigments sont obtenus à partir des éléments disponibles : sang de bœuf, suie de cheminée, sulfate de cuivre… Seuls les bois nobles des portes d’entrée (châtaignier, chêne…) restent apparents.
Illustration 35.
Fenêtre de cave à vantail, couleur sang de boeuf
Les pierres de taille varient d'une région à une autre, et donnent aussi l'identité du village, par leurs parties apparentes mais aussi lorsque les maisons ont ôté leurs enduits. Sur le Plateau de Nozeroy, dans le Jura, par exemple, la pierre est très jaune, elle marque son empreinte dans tous les villages de cette sous-unité (Rix-Trebief, Mièges, etc.).
Illustration 36. Maison de polyculture, Plateau de Nozeroy, Jura. L'enduit enlevé révèle la pierre jaune du pays. Les encadrements étaient les témoins de cette pierre.
Exceptionnellement, sur les façades protégées de la pluie, l'enduit pourra être à "pierres vues". Cette pratique consiste à compléter les joints par du mortier de chaux d'une couleur proche de la pierre jusqu'au nu du mur approximatif. L'aspect obtenu est celui d'un enduit largement usé, laissant voir la partie saillante des moellons. L'enduit à pierres vues est réservé aux façades à l'appareillage de qualité, n'ayant pas subi de transformation.
La Bresse est une unité paysagère s'étendant sur trois départements, dans trois régions différentes : l'Ain, la Saône-et-Loire et le Jura. L'architecture des fermes de polyculture y est semblable à la différence que la Bresse jurassienne subit l'influence de la construction en pierre du reste du département.
Sont présentées ici exclusivement les fermes à colombages et à coyau.
Pour les autres fermes de cette unité paysagère, se reporter à la rubrique
"La ferme bloc de volume simple, Bresse jurassienne"
Implantation du bâti. Toutes les fermes sont orientées selon une direction de faîtage Nord/Sud, quel que soit le sens de la voirie la plus proche
(Illustration 1). Cette disposition permet à la maison de ne présenter que ses croupes à la bise (voir l'onglet toiture). De plus, la façade principale, ainsi tournée à l'Est, bénéficie au plus tôt des premiers rayons du soleil.
Illustration 1. Quel que soit le réseau viaire, l'orientation des fermes bressanes reste Nord/Sud.
Volumétrie générale. La ferme bressane est une petite ferme, mais qui peut être très longue. Sa principale différence avec une ferme de polyculture bloc classique est due à son toit. Celui-ci, très bas, va donner à la façade une proportion un tiers / deux tiers en faveur du toit, alors qu'elle est de rapport égal chez une ferme bloc simple.
llustration 2. Un toit très bas donne un rapport deux tiers / un tiers entre le toit et la façade. Chapelle-Voland, Bresse Jurassienne.
Ce rapport est aussi changé visuellement selon les saisons, à l'exemple de cette maison, qui découvre sa façade lorsque le champ de maïs est coupé.
Illustrations 3, 4. L'Argillois, Commenailles, Mars 2010 (gauche), Juillet 2012 (droite).
Systèmes et matériaux de construction. Les maisons bressanes sont des maisons à pans de bois, ou colombages, qui ne sont pas un décor, mais ont une véritable fonction structurelle. Il s'agit de l'ossature de la maison, un squelette de bois où chaque pièce a son utilité dans la stabilité de l'ouvrage. La plupart du temps, le chêne est utilisé. La construction se caractérise principalement par la sole, qui est une poutre d'un seul tenant, posée à même le sol (les premières maisons bressanes n'ont pas de soubassement, par la suite il sera en briques ou en pierres), et qui constitue la base de la structure. C'est cette pièce de bois qui détermine la longueur maximale de la maison. Insécable, il faut alors l'enjamber pour passer l'entrée. Néanmoins, cette structure "flottante" possède l'avantage d'être démontable, et ceci grâce aux assemblages en tenons et mortaises.
Outre sa fonction structurelle, le pan de bois nous renseigne aussi sur l'époque de construction de la maison.
Si les écharpes sont une seule pièce de la hauteur de l'étage, la maison est antérieure au XVIe siècle (Illustration 5) ; si les écharpes ne se situent qu'entre les entretoises et qu'elles forment des croix, la maison est datée entre le XVIe et le XIXe siècle ; après cette date, les entretoises seront toutes dans le même sens (Illustration 6). Cette dernière typologie est aujourd'hui la plus répandue.
Illustration 5. Ossature bois d'une maison bressane datant d'avant le XVIe siècle.
Illustration 6. Ossature bois d'une maison bressane datant du XIXe siècle.
Ouvertures. Comme dans une maison de polyculture bloc classique, on trouve une entrée de grange, d'habitation et d'écurie. L'ossature étant en bois, le linteau de grange est forcément droit, et en bois. C'est en Bresse que l'on trouve le plus de lucarnes ajoutées après réhabilitation.
Matériaux, Textures, Couleurs. La maison étant en ossature bois, on remplit ces panneaux, appelés trappans, entre les pans de bois, soit en briques, disposées en lits horizontaux ou en arrêtes de poisson (ill. 7 et 8), soit en pisé (voir l'onglet "systèmes et matériaux de construction").. Ces panneaux peuvent être enduits. Il est plus rare que la structure bois elle-même soit enduite.
Illustrations 7 et 8.
Toiture. La toiture est en croupe ou en demi-croupe. On présente le pignon à la bise pour éviter le froid en façade et pour ne pas que le toit se décolle, ce qui justifie l'orientation Nord/Sud des maisons bressannes.
Généralement, ces maisons présentent un débord de toiture assez important, protégeant la cour agricole, pour le stockage. Ce débord est plus souvent sur console (voir l'onglet Toiture).
La majorité des fermes bressanes possèdent un coyau, qui est une avancée de toiture en rupture avec la pente, celle-ci y sera moins forte. L'eau de pluie, sur la toiture principale de forte pente, coule vite ; une fois arrivée à la brisure, la vitesse l'éjecte loin de la façade, et évite de l'abimer. Ce dispositif se trouve majoritairement en Bresse Jurassienne. En plus de leur fonction porteuse, les consoles en avancée de toiture servaient à faire sécher les panouilles de maïs. Le coyau, qui prolonge les chevrons, peut aussi s'appeler "égout retroussé".
Illustration 9. Une ferme bloc à coyau.
Il arrive aussi que le toit soit retroussé en hauteur au niveau de la grange pour ne pas gêner l'entrée des charrues chargées de balles de foin. Ce découpage peut remonter jusqu'à la pane sablière ou n'entamer qu'une partie de la toiture.
Illustration 10.
Il n'est pas rare de trouver des épis de faîtage (voir l'onglet Toiture).
Abords Immédiats et Annexes. La ferme bressane présente systématiquement une soue à cochons et un puits comme bâtiments annexes. La soue bressane se distingue des autres car elle est liée à un four. Ce bâtiment était éloigné du corps de logis principal d'une part pour éviter les odeurs et d'autre part pour limiter les risques d'incendie.
Illustration 11 (gauche). Soue à cochons et son four accolé à l'arrière, Chapelle-Voland.
Illustration 12 (milieu). Four accollé à la soue, Chapelle-Voland.
Illustration 12a (droite). Puits