Cette maison paysanne est la plus répandue en Franche-Comté. Elle se caractérise par trois travées perpendiculaires au mur gouttereau, lisibles en façade par la typologie des ouvertures : la porte et les fenêtres d’habitation, la porte de grange et la porte d’écurie. Le volume, de base rectangulaire, n'est ni évidé, ni agrémenté d'ajouts.
La ferme de polyculture se caractérise en façade par ses ouvertures, que sont la porte de grange, la porte et les fenêtres de l'habitation, la porte et la fenêtre de l'écurie. Ces ouvertures représentent moins de vides qu'il n'y a de pleins sur la façade principale. Les pignons ne sont généralement pas percés ou mitoyens, ou au contraire très généreusement percés (Jura des Grands Vaux).
Les baies d'habitation sont réduites au strict minimum pour limiter les pertes de chaleur.
La porte n'a qu'une unité de passage (porte simple), et a souvent une fenêtre juste à côté. Cette porte est souvent vitrée en partie haute, permettant d'augmenter la quantité de lumière entrante. Elle peut être peinte, ou en bois apparent, si celui-ci est un bois "noble" (chêne, châtaigner, etc.).
Lorsque l'habitation se développe sur plusieurs travées ou des travées plus grandes, il y aura plusieurs fenêtres.
Ces fenêtres sont le plus souvent composées de deux vantaux ouvrants à la française, chacun découpé en trois carreaux égaux. Les volets ont été ajoutés au début du 20e siècle pour clore les ouvertures. Ils sont en bois peint ou en persienne.
Dans le Jura, les menuiseries sont traditionnellement peintes ; ce sont elles qui amènent les points de couleurs sur les façades.
Illustration 23.
La porte d'écurie est celle qui a les dimensions les plus modestes. Elle peut être simple (environ 0,8 m de large x 1,8 m) ou double à deux battants (environ 1,5 m x 1,8 m).
Elle est souvent accompagnée d’une petite fenêtre qui éclaire et ventile l’écurie, c'est le fenestron.
Le linteau de cette porte est droit, soit en pierre de taille, soit en bois.
La porte est posée en feuillure sur le mur.
Illustration 24.
Lorsque une porte et une fenêtre partagent une même pierre de taille entre elles, on l'appelle la pierre à (ou de) jumeaux (Illustrations 23 à 27). Il se peut aussi que la porte et la fenêtre partagent un même linteau.
Illustrations 25, 26, 26a. Pierre à jumeaux ; pierre d'évacuation d'évier (26a, à droite)
La porte de grange, percement majeur de la façade (environ 3 m de large pour 3,5 m de haut), est l’élément d’identification de la maison de polyculture. La baie est pour la plupart du temps arquée, soit en anse à panier, soit en plein cintre, l'arc est alors en pierre de taille, ou un linteau en bois courbe a été spécialement travaillé. La porte est posée en fond de maçonnerie, laissant apparaître l’épaisseur du mur. La porte la plus courante se décompose en trois éléments : une porte d’entrée et deux battants hauts ; parfois la porte est divisée en deux éléments permettant d’ouvrir la partie haute pour aérer. Mais on trouve aussi des portes uniquement à deux battants. Voici quelques exemples de portes de grange, recensés dans le Jura, en 2011, dans le Revermont (dessins FC caue39).
L'arc va alors se construire des façons suivantes (Croquis caue70).
Mais il est également fréquent de rencontrer des portes de grange à linteau droit, en pierre ou en bois. En Bresse, dans le Jura, c'est une constante, puisque le percement de la baie se fait directement dans les colombages : il ne peut pas être arqué.
Le fourrage est aussi conservé à l'étage, au dessus de l'allée de grange, et dans les combles sur les trois travées. On trouve alors des ouvertures marquant la fonction de stockage. Il peut s'agir soit d'une porte (Illustration 27), soit d'une fenêtre (Illustration 28). Dans les régions où le linteau de la grange est droit, il arrive souvent que cette pièce soit également l'assise de la fenêtre ou de la porte au-dessus (Illustration 29). Cela s'applique à des linteaux en bois comme en pierre.
Illustration 27 (gauche). Porte fenière pour le stockage du foin
Illustration 28 (milieu). Fenêtre pour le stockage du foin
Illustration 29 (droite). Le linteau de la porte de grange sert à l'assise de la fenêtre de stockage
Quand une date est gravée dans une pierre, la plupart du temps un linteau, il ne faut pas toujours s'y fier, car il s'agit souvent d'un réemploi de la pièce. Il en est de même pour les pièces de bois.
Toutes les baies sont parfois encadrées par des briques, le linteau se substituant à un arc ou une plate bande.
Il n'est pas rare non plus de trouver des oculus sur les façades. Ils sont ronds ou ovales et éclairent les parties agricoles. En partie d'habitation, on peut en trouver au niveau de l'escalier, mais aussi au premier étage, pour aérer les combles. On trouve aussi au niveau des combles de toutes petites ouvertures, destinées à ventiler les greniers.
Illustration 30. Fenestron carré
Les combles réhabilités aujourd'hui s'éclairent par des fenêtres de toit, communément appelées "velux" à cause de la marque bien connue. Ce sont des fenêtres dans le sens de la pente. Plus anciennement, on éclaire les combles par des lucarnes, fenêtres qui nécessitent une charpente plus complexe, les baies étant placées dans un plan vertical. La lucarne est considérée à elle-seule comme un corps de bâtiment, c'est-à-dire qu'elle a son propre pan de toit. En Franche-Comté, la lucarne la plus courante est à croupe, c'est-à-dire, trois pans de toiture (ci-contre, Chapelle-Voland, Bresse Jurassienne), mais il arrive d'en trouver à pignon couvert (deux pans de toiture), ou aussi à fermette débordante. Dans la plupart des cas, ces lucarnes sont des ajouts effectués lors de la reconversion du bâtiment puisque les combles n'étaient pas habités. Celles qui étaient là d'origine avaient une fonction pour le stockage du foin.
La Bresse est une unité paysagère s'étendant sur trois départements, dans trois régions différentes : l'Ain, la Saône-et-Loire et le Jura. L'architecture des fermes de polyculture y est semblable à la différence que la Bresse jurassienne subit l'influence de la construction en pierre du reste du département.
Sont présentées ici exclusivement les fermes à colombages et à coyau.
Pour les autres fermes de cette unité paysagère, se reporter à la rubrique
"La ferme bloc de volume simple, Bresse jurassienne"
Implantation du bâti. Toutes les fermes sont orientées selon une direction de faîtage Nord/Sud, quel que soit le sens de la voirie la plus proche
(Illustration 1). Cette disposition permet à la maison de ne présenter que ses croupes à la bise (voir l'onglet toiture). De plus, la façade principale, ainsi tournée à l'Est, bénéficie au plus tôt des premiers rayons du soleil.
Illustration 1. Quel que soit le réseau viaire, l'orientation des fermes bressanes reste Nord/Sud.
Volumétrie générale. La ferme bressane est une petite ferme, mais qui peut être très longue. Sa principale différence avec une ferme de polyculture bloc classique est due à son toit. Celui-ci, très bas, va donner à la façade une proportion un tiers / deux tiers en faveur du toit, alors qu'elle est de rapport égal chez une ferme bloc simple.
llustration 2. Un toit très bas donne un rapport deux tiers / un tiers entre le toit et la façade. Chapelle-Voland, Bresse Jurassienne.
Ce rapport est aussi changé visuellement selon les saisons, à l'exemple de cette maison, qui découvre sa façade lorsque le champ de maïs est coupé.
Illustrations 3, 4. L'Argillois, Commenailles, Mars 2010 (gauche), Juillet 2012 (droite).
Systèmes et matériaux de construction. Les maisons bressanes sont des maisons à pans de bois, ou colombages, qui ne sont pas un décor, mais ont une véritable fonction structurelle. Il s'agit de l'ossature de la maison, un squelette de bois où chaque pièce a son utilité dans la stabilité de l'ouvrage. La plupart du temps, le chêne est utilisé. La construction se caractérise principalement par la sole, qui est une poutre d'un seul tenant, posée à même le sol (les premières maisons bressanes n'ont pas de soubassement, par la suite il sera en briques ou en pierres), et qui constitue la base de la structure. C'est cette pièce de bois qui détermine la longueur maximale de la maison. Insécable, il faut alors l'enjamber pour passer l'entrée. Néanmoins, cette structure "flottante" possède l'avantage d'être démontable, et ceci grâce aux assemblages en tenons et mortaises.
Outre sa fonction structurelle, le pan de bois nous renseigne aussi sur l'époque de construction de la maison.
Si les écharpes sont une seule pièce de la hauteur de l'étage, la maison est antérieure au XVIe siècle (Illustration 5) ; si les écharpes ne se situent qu'entre les entretoises et qu'elles forment des croix, la maison est datée entre le XVIe et le XIXe siècle ; après cette date, les entretoises seront toutes dans le même sens (Illustration 6). Cette dernière typologie est aujourd'hui la plus répandue.
Illustration 5. Ossature bois d'une maison bressane datant d'avant le XVIe siècle.
Illustration 6. Ossature bois d'une maison bressane datant du XIXe siècle.
Ouvertures. Comme dans une maison de polyculture bloc classique, on trouve une entrée de grange, d'habitation et d'écurie. L'ossature étant en bois, le linteau de grange est forcément droit, et en bois. C'est en Bresse que l'on trouve le plus de lucarnes ajoutées après réhabilitation.
Matériaux, Textures, Couleurs. La maison étant en ossature bois, on remplit ces panneaux, appelés trappans, entre les pans de bois, soit en briques, disposées en lits horizontaux ou en arrêtes de poisson (ill. 7 et 8), soit en pisé (voir l'onglet "systèmes et matériaux de construction").. Ces panneaux peuvent être enduits. Il est plus rare que la structure bois elle-même soit enduite.
Illustrations 7 et 8.
Toiture. La toiture est en croupe ou en demi-croupe. On présente le pignon à la bise pour éviter le froid en façade et pour ne pas que le toit se décolle, ce qui justifie l'orientation Nord/Sud des maisons bressannes.
Généralement, ces maisons présentent un débord de toiture assez important, protégeant la cour agricole, pour le stockage. Ce débord est plus souvent sur console (voir l'onglet Toiture).
La majorité des fermes bressanes possèdent un coyau, qui est une avancée de toiture en rupture avec la pente, celle-ci y sera moins forte. L'eau de pluie, sur la toiture principale de forte pente, coule vite ; une fois arrivée à la brisure, la vitesse l'éjecte loin de la façade, et évite de l'abimer. Ce dispositif se trouve majoritairement en Bresse Jurassienne. En plus de leur fonction porteuse, les consoles en avancée de toiture servaient à faire sécher les panouilles de maïs. Le coyau, qui prolonge les chevrons, peut aussi s'appeler "égout retroussé".
Illustration 9. Une ferme bloc à coyau.
Il arrive aussi que le toit soit retroussé en hauteur au niveau de la grange pour ne pas gêner l'entrée des charrues chargées de balles de foin. Ce découpage peut remonter jusqu'à la pane sablière ou n'entamer qu'une partie de la toiture.
Illustration 10.
Il n'est pas rare de trouver des épis de faîtage (voir l'onglet Toiture).
Abords Immédiats et Annexes. La ferme bressane présente systématiquement une soue à cochons et un puits comme bâtiments annexes. La soue bressane se distingue des autres car elle est liée à un four. Ce bâtiment était éloigné du corps de logis principal d'une part pour éviter les odeurs et d'autre part pour limiter les risques d'incendie.
Illustration 11 (gauche). Soue à cochons et son four accolé à l'arrière, Chapelle-Voland.
Illustration 12 (milieu). Four accollé à la soue, Chapelle-Voland.
Illustration 12a (droite). Puits